Nous avons demandé à quelques chirurgiens éminents de répondre à quelques questions fréquemment posées sur la chirurgie pour la scoliose. Voici ce qu’ils avaient à dire.
Quand recommanderiez-vous l’opération?
Comment traiter une proéminence thoracique?
À quel genre de correction puis-je m’attendre?
Où prélevez-vous les fragments osseux?
Dans quelle mesure mes activités physiques seront-elles restreintes après l’opération?
Quand recommanderiez-vous normalement le recours à la chirurgie?
Quand vous avez reçu le diagnostic de scoliose, votre chirurgien vous a probablement parlé de l’angle de Cobb. Cet angle mesure la gravité de la courbure. Plus l’angle de Cobb est élevé, plus la courbure est grande. De nombreux chirurgiens recommanderont le recours à une opération si l’angle de Cobb se situe de 40 à 45 degrés ou plus. Cependant, l’intervalle peut varier selon la région ou le pays où vous vivez.
Reinhard Zeller M.D., The Hospital for Sick Children, Toronto, Ontario – Je recommanderais une opération si l’angle de Cobb est à 50 degrés. Cependant, si l’angle est inférieur à 50 mais vous trouvez que le tronc penche vraiment sur un côté, je pourrais aussi vous recommander d’envisager l’opération.
Ron El Hawary M.D., IWK Health Centre, Halifax, Nouvelle-Écosse – Je recommanderais la chirurgie si l’angle de Cobb se situe entre 50 et 60 degrés ou plus.
Douglas Hedden M.D., Stollery Children’s Hospital, Edmonton, Alberta – Habituellement, on opère quand l’angle de Cobb est de 50 degrés ou plus. Cependant, la décision de procéder à l’opération ou non dépend en fait de plusieurs facteurs; l’âge est important. Si vous êtes jeunes et qu’il vous reste beaucoup de temps à grandir, il est plus probable que la courbure empirera à mesure que vous vieillissez. Par conséquent, si vous êtes assez jeune, je recommanderais l’opération même si l’angle de Cobb est relativement faible. Également, votre réaction à d’autres types de traitement est aussi importante. Par exemple, si vous portez un corset depuis quelques temps et que la courbure empire malgré tout, je pourrais recommander le recours à l’opération. Le type de scoliose que vous avez entre aussi en ligne de compte. Certains types de scoliose empirent plus facilement et réagissent moins bien aux corsets. Mais au-dessus de tout, je tiens compte de ce que vous et vos familles pensent de votre courbure. Si la courbure vous dérange vraiment et si elle vous cause des problèmes, je pourrais considérer l’opération.
James Jarvis M.D., Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario, Ottawa, Ontario – Je tiens compte de nombreux facteurs quand je décide de procéder à une opération ou non, comme l’âge, votre maturité et le type de courbure. Si la courbure est située dans la colonne thoracique (milieu), j’envisagerais peut-être de choisir l’opération, même si l’angle de Cobb est faible. Cependant, si la courbure est située dans la colonne lombaire (bas du dos), mon objectif serait de garder les os du dos aussi mobiles que possible, et je n’envisagerais pas l’opération à moins que l’angle de Cobb ne soit très grand. Aussi, si vous avez deux courbures, mais qu’en général, votre colonne est bien équilibrée, il est moins probable que je recommande une opération à moins que l’angle de Cobb soit plus grand.
Timothy Carey M.D., Children’s Hospital of Western Ontario, London, Ontario – En général, si vous êtes jeunes et que votre courbure se trouve dans la colonne thoracique (milieu) et que l’angle de Cobb est supérieur à 50 degrés, je recommanderais l’opération. Si vous êtes un peu plus vieux et que votre squelette est plus mature, et que votre angle de Cobb se situe entre 50 et 60 degrés, j’entamerais le dialogue avec vous pour qu’on décide de la meilleure façon de procéder. Si vous êtes plus vieux, plus mature, et que votre angle de Cobb est de 60 degrés ou plus, je recommanderais l’opération. Si votre courbure se trouve dans la colonne lombaire (bas du dos) ou thoracolombaire (milieu et bas du dos), la forme de la courbure et les symptômes pèsent beaucoup dans la balance. En général, pour ces types de courbure, j’envisage l’opération si l’angle de Cobb dépasse 50 degrés.
Andrew Howard, M.D., The Hospital for Sick Children, Toronto, Ontario – Quand je recommande l’opération, l’objectif consiste habituellement à empêcher la courbure d’empirer. Si c’est une courbure thoracique (milieu) et que l’angle de Cobb est inférieur à 50 degrés, il est peu probable que je fasse l’opération. Cependant, si l’angle de Cobb est de 55 à 60 degrés ou plus, je recommanderais l’opération.
Comment traiter une proéminence thoracique?
Quand vous vous penchez, est-ce que la cage thoracique jaillit d’un côté dans votre dos? C’est ce que l’on appelle une proéminence thoracique, qui peut s’observer chez certains adolescents atteints de scoliose. La proéminence thoracique se produit quand les côtes tournent en raison d’une rotation de la colonne. Voici ce que font de grands chirurgiens pour essayer de corriger cette proéminence.
Dr Zeller – J’utilise une technique qui s’appelle « dérotation directe de la colonne vertébrale ». L’idée consiste à réduire la rotation (dérotation) de la colonne. Cette technique se fait pendant l’opération, et elle me permet habituellement de corriger la proéminence thoracique. Si la proéminence est très accentuée ou que vous êtes plus vieux et que la courbure est très rigide, je pourrais tenter de raccourcir ou de retirer une ou deux côtes. Cette technique est appelée thoracoplastie, et encore une fois, on ne doit y avoir recours que si la proéminence est vraiment marquée.
Dr El Hawary – Je ne traite habituellement pas une proéminence osseuse autrement que dans le cas d’une opération pour la scoliose normale. Cependant, si la proéminence osseuse est marquée, je pourrais songer à faire une thoracoplastie. Cependant, j’essaie d’éviter cette procédure, puisqu’elle entraîne des risques additionnels pour les poumons.
Dr Hedden – Habituellement, je fais une dérotation de la colonne pendant l’opération pour corriger la scoliose. C’est donc dire que j’essaie de corriger à la fois la rotation et la courbure de la colonne dans la même opération. Cette procédure est de plus en plus efficace. Cependant, parfois, je dois traiter la scoliose et la proéminence thoracique dans des opérations distinctes. Si la proéminence est marquée et que j’estime que la chirurgie et que la dérotation de la colonne ne suffiront pas, je pourrais envisager de retirer une partie des côtes sur le côté de la proéminence. Cela peut parfois aider à améliorer l’apparence du dos. Si le problème se trouve du côté opposé et que la poitrine a l’air trop aplatie, couper les côtes et les chevaucher (pour donner du relief à l’endroit qui est plat) peut être profitable. Cependant, le besoin de faire cela devient de plus en plus rare.
Dr Jarvis – Avec les techniques améliorées d’aujourd’hui, les proéminences osseuses peuvent être corrigées pendant l’opération. Cependant, si la proéminence est grave, je pourrais avoir recours à la thoracoplastie, soit pendant l’opération soit en tant que une deuxième opération. Dans une thoracoplastie, je retire une petite partie des côtes de manière à ce qu’elles repoussent correctement.
Dr Carey – Je faisais des thoracoplasties pour des proéminences graves. Cependant, les traitements s’améliorent d’année en année. Grâce aux nouveaux instruments et aux nouvelles techniques, je n’ai pas eu à faire de thoracoplastie au cours de la dernière année.
Dr Howard – Je traite les proéminences thoraciques pendant les opérations, soit avec une dérotation de la colonne ou une thoracoplastie.
À quel genre de correction puis-je m’attendre?
Dr Zeller – Tout dépend de la rigidité de la courbure. Si la courbure est habituelle, je peux habituellement la corriger d’environ 66 à 70 %. Si la courbure est de plus de 90 degrés, je peux habituellement la corriger de 50 %.
Dr El Hawary – Je peux corriger une courbure type d’environ 50 %.
Dr Hedden – Si l’enfant est de taille normale et n’a pas de problème osseux sous-jacent, je peux habituellement corriger la courbe de 70 %.
Dr Jarvis – Lèenvergure de la correction dépend du type de courbure et de la souplesse du patient. Je peux habituellement corriger la courbure d’environ 50 à 75 %, mais encore une fois, le facteur le plus important est l’équilibre du tronc et la sécurité.
Dr Carey – Tout dépend de la courbure et de certains tests que je fais avant l’opération. Habituellement, je peux corriger la courbure d’au moins 50 %.
Dr Howard – C’est difficile à prédire, mais habituellement, je peux la corriger d’environ 65 %.
Où prenez-vous les fragments osseux?
Les fragments osseux sont de petites pièces d’os qui sont ajoutées à la colonne pendant l’opération. Les fragments, aussi appelés greffe osseuse, guérissent lentement fusionnés ensemble pour former une masse osseuse solide. Les fragments sont habituellement prélevés d’os d’autres parties du corps ou d’une banque d’os. Dans ce dernier cas, le processus s’appelle transplantation osseuse ou allogreffe.
Dr Zeller – Si la courbure se trouve dans la colonne thoracique (milieu), une décortication locale complète (extraction de la couche supérieure d’os dans la colonne vertébrale) permet de recueillir une quantité suffisante. Pour les courbures graves, ou celles qui mettent en cause le bas du dos, les fragments osseux sont extraits d’une partie de l’os pelvien (derrière de la hanche).
Dr El Hawary – J’obtiens habituellement les fragments osseux d’une banque d’os. Cependant, si le patient ne veut pas de greffe, je peux aussi obtenir les fragments du pelvis (le derrière de la hanche).
Dr Hedden – Il se pourrait que les fragments osseux prélevés de la région où l’opération se déroule suffisent. Il se pourrait aussi que les fragments proviennent de la banque, mais à ce moment, le risque d’infection est plus élevé. Des substituts aux fragments osseux deviennent de plus en plus fréquents.
Dr Jarvis – Habituellement, je prends les fragments prélevés de la région du corps où l’opération est faite. Je pourrais ajouter d’autres fragments prélevés du pelvis ou d’une banque.
Dr Carey – J’utilise une combinaison d’os prélevés localement (dans la colonne) et de fragments d’une banque. Si le patient n’aime pas l’idée des greffes à partir d’une banque, je pourrais utiliser l’os du pelvis (derrière la hanche).
Dr Howard – Nous prenons habituellement les os dans la région du corps où l’opération est faite. Nous pouvons y ajouter des fragments qui proviennent d’une banque. Parfois, nous pouvons aussi utiliser des os qui proviennent des côtes ou du pelvis.
Dans quelle mesure les activités physiques seront-elles restreintes après l’opération?
Dr Zeller – Maintenant plus que jamais, je peux obtenir d’excellents résultats en ce qui concerne la correction de la courbure. La protection conférée par les corsets s’en trouve améliorée après l’opération. Cependant, les os ont encore besoin de beaucoup de temps avant de se fusionner et de devenir solides. Je recommanderais d’éviter les sports ou de porter des objets lourds pour les six premiers mois après l’opération. Après six mois, je procède à un examen de suivi et examinerai les radiographies, après quoi je pourrais autoriser des activités légères comme la natation. Après un an, le patient pourrait être en mesure de faire des activités comme la course, les jeux de balle ou le jogging. Je ne souhaiterais cependant pas que le patient participe à des sports de contact avant 18 mois à deux ans qui suivent l’opération, une fois que les radiographies montrent que les os se sont complètement fusionnés.
Dr El Hawary – Je demande habituellement aux adolescents de restreindre leurs activités physiques pendant neuf à douze mois après l’opération.
Dr Hedden – ça varie d’un chirurgien à l’autre, mais nous recommandons tous un retour graduel aux activités. Il est fort probable que je permette le retour aux activités quotidiennes pour pendant les trois premiers mois après l’opération. Après de trois à six mois après l’opération, je pourrais permettre de l’exercice léger comme la natation. Après six mois, je pourrais suggérer le retour à un sport sans contact, comme le tennis et le golf. Après un an, il est possible de reprendre les activités sans restriction.
Dr Jarvis – Il est fort probable que le patient pourra retourner à l’école un mois après l’opération. Le patient ne pourra pas se pencher excessivement et soulever des objets lourds pendant au moins les deux à trois premiers mois. En général, je restreins les sports pendant six mois, et les sports de contact, pendant un an. Ces lignes directrices peuvent être écourtées selon le type d’opération et les instruments utilisés.
Dr Carey – En général, il faut éviter de se pencher ou de lever des objets au moins pendant les six premières semaines. Après cela, on peut commencer à faire des activités légères, des sports sans contact, après six mois, et des sports de contact, après un an. Je dirais d’éviter les sports à contacts importants.
Dr Howard – On peut s’attendre à retourner aux activités normales après un an.
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